L’école comme souvent est au cœur des problématiques sociétales et à ce titre fait office de laboratoire sociologique du monde de demain. Elle est au centre de toutes les injonctions en devant être équitable, égalitaire, démocratique, intégrative, multiculturelle, positive, durable, performante et respectueuse des rythmes individuels. La mixité des missions confiées explicitement par la société aux écoles et implicitement par l’évolution des modes de vie fait qu’aujourd’hui l’école est en perte de repères.

L’identité de l’enseignant·e est étroitement liée à l’image que la société et les autres lui renvoient. Elle a donc considérablement évolué entre le régent de nos parents ou grands-parents et celle d’aujourd’hui. L’image immémoriale de notre imaginaire collectif confrontée à notre vécu scolaire personnel est en décalage avec la réalité du terrain dans de nombreuses écoles. C’est peut-être l’une des explications à la baisse du nombre de vocations.

Actuellement, la HEP-BEJUNE connait une baisse significative de ses effectifs au niveau de la formation initiale primaire d’après les chiffres de l’IRDP ¹.

Le nombre de diplômé·es est certes fluctuant voire en augmentation, mais il devrait suivre la tendance des effectifs 2022 et 2023 dès l’année prochaine avec une diminution probable de 25 %.

Selon l’Office fédéral de la Statistique, il devrait manquer environ 10’000 enseignant·es en Suisse au niveau primaire dans les dix prochaines années ². Certains cantons réagissent en se préparant à une pénurie en rendant les professions de l’enseignement plus attractives et en anticipant une baisse du nombre de collègues formé·es. L’enjeu ne se limite pas à ces éléments, mais également, à garder et à fidéliser le personnel actuel. La concurrence entre cantons est une réalité qui va mettre sous pression les services cantonaux ces prochaines années. Ceux qui ont de l’argent investiront dans les conditions-cadres, la formation en emploi ou valoriseront les salaires. Ceux qui ont des idées innoveront. D’autres subiront un triple impact. Il y aura d’une part, une baisse de personnel formé, un départ des actif·ves formé·es vers d’autres cantons plus attractifs et, finalement, une demande augmentée généralisée sur le territoire national. Après la nouvelle ordonnance sur la pédagogie spécialisée, la nouvelle loi sur l’enseignement obligatoire et sa future ordonnance ad hoc, il est maintenant nécessaire de rédiger le cadre d’une politique cantonale de gestion du personnel sur la durée ayant comme critère principal la fidélisation et l’adhésion de ses membres.

Les différents programmes d’économies et réformes de l’école jurassienne des vingt dernières années ont laissé des traces et il est essentiel de réfléchir l’école de demain en s’en donnant les moyens, au risque sinon de devoir céder l’essentiel à l’urgence. •

Christophe Girardin, secrétaire général du SEJ

¹ www.irdp.ch/institut/formation-futur-enseignant-4593.html

² https://www.letemps.ch/suisse/acces-aux-hep-facilite-motivations-enseignants-parlement-face-penurie-profs