Le DIP protège-t-il réellement l’intégrité psychique et physique de ses élèves?
Depuis la publication du rapport Ramadan, le Département de l’instruction publique s’évertue à améliorer la protection de ses élèves. Quelles mesures a-t-il mises en place depuis, d’une part pour redonner confiance aux élèves et à l’institution et, d’autre part, réaffirmer clairement l’absence de toute tolérance quant aux relations sexuelles entre enseignant·es et élèves?
Dans la vision bureaucratique qui le caractérise, les principales mesures prises pour le moment ont consisté à écrire et publier des procédures et des directives.
Ainsi, les enseignant·es ont vu leur devoir de fonction s’étendre à leur sphère privée le 17 juillet 2019. La directive D.RH.00.25 est en cours de réécriture afin d’aboutir, il faut l’espérer, à une version raisonnablement restrictive. De plus, le DIP a introduit le 20 septembre 2018 la procédure maltraitance. Si ces deux actes administratifs poursuivent un but louable, ils démontrent avant tout une parfaite méconnaissance du rapport qu’un·e enseignant·e peut entretenir avec ses élèves et des mécanismes sociaux à combattre pour garantir plus de sécurité aux élèves. Il est évidemment indispensable de proscrire les propos dégradants, xénophobes, homophobes, transphobes, sexistes et surtout les comportements touchant à l’intégrité sexuelle, même consentis, vu le rapport de subordination qui caractérise les relations entre enseignant·es et élèves. Néanmoins, les faits reprochés à Tariq Ramadan ne sont pas dus à une méconnaissance des directives. Il était déjà évident à l’époque que ce type de relation entre un·e enseignant·e et un·e.élève était inacceptable et, d’ailleurs, le rapport démontre que les enseignant·es ayant recueilli le témoignage d’élèves ou nourri des soupçons ont pris leurs responsabilités et ont transmis les éléments en leur possession à leur hiérarchie. C’est malheureusement au niveau des différentes hiérarchies que l’information n’a pas été relayée. Ainsi, le département publie une directive qui charge davantage encore la responsabilité des enseignant·es, mais rien pour contraindre davantage les directions à prendre leurs responsabilités.
Ces mécanismes s’observent encore actuellement au sein de ce même département qui prétend protéger ses élèves. Dans le même esprit, on peut s’interroger sur la procédure «maltraitance». Pour les élèves notamment, le concept de «maltraitance» est surtout lié aux problèmes familiaux. Or, Il faut nommer clairement les problèmes pour les identifier et les affronter! Tout au contraire, le DIP fait figurer le harcèlement sexuel dans une longue liste qui fait coexister des sujets, certes tous importants, mais relevant de statuts très différents. Cette énumération de problèmes disparates dont la gravité et le traitement ne sont pas forcément comparables, ajoute à la confusion. Une manière d’aligner des concepts qui ne contribue certainement pas à clarifier les enjeux de ladite procédure. Ainsi, faute d’apporter une quelconque plus-value en terme de protection des élèves, elle ne fait que démontrer, une fois de plus, la profonde incompréhension de ces problématiques de la part du département.
De plus, si le département veut vraiment garantir l’intégrité psychique et physique de ses élèves, il serait temps, en 2019, l’année de la grève féministe, qu’il commence à véritablement s’engager pour lutter contre toute forme de discrimination. Mais, pour ce faire, il faudra d’abord qu’il se départisse lui-même d’une gestion RH profondément discriminante. Comment un département qui entend lutter contre les discriminations, notamment sexistes, qui prétend protéger l’intégrité des élèves, mais dont le Service école et médias propose le 11 novembre des billets gratuits pour aller voir le dernier film de Roman Polanski, pédophile reconnu, peut-il être crédible? Ainsi, si j’étais particulièrement inquiète, en apprenant le départ à la retraite de Francine Dupenloup, je suis soulagée d’apprendre qu’à la suite d’une question urgente déposée au Grand Conseil, le poste laissé vacant par Madame Égalité sera vraisemblablement véritablement renforcé.
Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire pour construire cette école qui garantisse réellement l’intégrité de ses élèves. En effet, la manière dont différentes affaires internes sont traitées démontre l’absolu besoin de confier le traitement de ce type de dossier à un organe externe. À ce jour, tout est pensé pour que les dossiers soient traités à l’interne par les RH, mais les procédures actuelles privent les personnes lésées (élève ou enseignant·e) de leur statut de victime en les cantonnant à un rôle de témoins et leur refusant ainsi une véritable reconnaissance des préjudices subis. Il est également utile de souligner que le climat de travail de certaines écoles, lié notamment à certaines directions d’établissement toxiques, contre lesquelles la DGEO peine à agir, ne favorise pas à construire une relation de confiance.
Enfin, le DIP devrait commencer, à l’interne, par porter et défendre les revendications féministes du 14 juin en appliquant un véritable respect des temps partiels, en assurant une véritable protection de ses collaborateur·trices atteint·es dans leur personnalité ou victimes de harcèlement, en menant une véritable lutte contre les propos et comportements sexistes sur les lieux de travail, en permettant aux enseignant·es de se former sur temps scolaire, en assouplissant sa politique RH afin de permettre une meilleure conciliation de la vie privée et professionnelle et ainsi véritablement compenser et réduire les inégalités sociales qui pénalisent encore trop souvent les femmes, entre autres. En effet, en observant, notamment, la différence de traitement entre les enseignant·es du primaire et les enseignant·es du secondaire et à plus forte raison, les enseignant·es du secondaire II, le DIP démontre qu’il a encore beaucoup à apprendre en matière d’égalité hommes-femmes,. car comme partout ailleurs, plus le corps professionnel est massivement représenté par des hommes, plus il bénéficie et profite d’une véritable reconnaissance professionnelle au sein du département.
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