École à visée inclusive : une cause de résistance - 06/2024
École à visée inclusive : une cause de résistance
« L’école inclusive est à la dérive », titrait La Liberté du jeudi 23 mai dernier, au lendemain de la conférence de presse donnée à Fribourg par le SER et le SSP (Syndicat des Services publics) pour présenter les résultats – inquiétants - de l’enquête intercantonale menée au sujet de l’école à visée inclusive. Claire Spring, coprésidente de la SPFF – Société pédagogique fribourgeoise francophone – nous rapporte l’essentiel des réponses des enseignant·es qui ont participé enquête.
L’article de La Liberté commençait ainsi : « Le mécontentement des enseignants romands vis-à-vis de l’école à visée inclusive se renforce. En théorie, ils adhèrent, mais en pratique, ils galèrent : mesures inefficaces, manque d’enseignants spécialisés et d’assistants à l’intégration, effectifs des classes trop élevés, forte augmentation du temps de travail, etc. Pour 55 % des quelque 2500 enseignants sondés, le principe même de l’école à visée inclusive est une cause de résistance. »
Lors de l’assemblée des délégué·es du SER en mai 2023, les enseignant·es romand·es avaient très clairement pris position en faveur de l’école à visée inclusive. Une année plus tard, force est de constater que cet élan s’essouffle. Il était donc important de chercher à en comprendre les causes.
Pourquoi avoir mené cette enquête ?
Les associations professionnelles reçoivent de plus en plus de retours sur les problèmes que les enseignant·es rencontrent dans la mise en pratique de l’école à visée inclusive. Le concept est soutenu, beaucoup essayent de gérer au mieux l’accueil des élèves à besoins particuliers dans le cursus ordinaire, mais se retrouvent face à des difficultés de plus en plus nombreuses. Les situations se multiplient et le manque de mesures mises en place démotive. Ce constat fait par les enseignant·es de nombreux cantons a amené les deux syndicats à organiser cette enquête au niveau romand.
Quels sont les éléments principaux qui se dégagent des résultats de cette enquête ?
Avant la généralisation du concept d’école à visée inclusive, un·e ou deux élèves à besoins particuliers se trouvaient dans les classes romandes, mais force est de constater que le nombre de ces dernièr·es a considérablement augmenté depuis.
Il faudrait davantage de personnes ressources dans les classes, mais les enseignant·es spécialisé·es et assistant·es à l’intégration manquent. 92 % des sondé·es pensent d’ailleurs qu’il s’agit d’un obstacle important à la mise en place de l’école à visée inclusive. Le nombre d’élèves par classe est une autre problématique, 93 % des réponses indiquant qu’une baisse des effectifs de classe serait une solution efficace. Enfin, la charge de travail s’intensifie, comme l’indiquent 98 % des personnes interrogées, ce qui devient problématique pour faire du bon travail, que ce soit pour les élèves à besoin particuliers ou pour tous·tes les autres qui ont aussi besoin d’un enseignement optimal.
Pourquoi ces résultats sont-ils inquiétants ?
70,3 % des enseignant·es sondé·es considèrent que la présence des élèves à besoins spécifiques génèrent des difficultés pour leurs pair·es. La présence des élèves à besoins particuliers est globalement bien acceptée ( 87,5 % ), mais une petite majorité des sondé·es seulement ( 56 % ) pense que la situation est bénéfique pour ces mêmes élèves.
Ce ressenti est inquiétant et montre que l’organisation dans les classes ne fonctionne pas ainsi. La difficulté de gestion de certaines situations lourdes, et le manque de temps pour suivre tou·tes les élèves correctement, mettent à mal la confiance des enseignant·es.
Quelles sont les revendications des syndicats suite à cette enquête ?
Le SER et le SSP demandent que les autorités prennent conscience qu’il est temps de mettre des moyens et de trouver des solutions rapidement.
L’école à visée inclusive ne pourra fonctionner que lorsqu’un changement de paradigme sera mis en place. Il faut sortir du soutien individualisé, centré sur un·e élève, pour arriver à des mesures d’aide qui pourraient être bénéfiques à une classe entière. En effet, seulement 44 % des enseignant·es interrogé·es estiment que les mesures d’aide adressées individuellement aux élèves sont efficaces. À l’inverse, 85 % des sondé·es préfèreraient des mesures destinées à l’ensemble de la classe.
Les syndicats demandent donc que les autorités écoutent les demandes et besoins du terrain et collaborent avec les enseignant·es pour trouver des solutions réalistes. Pourquoi ne pas mettre sur pied des classes pilotes afin d’explorer différentes pistes et solutions ?
« Si on veut une école inclusive qui fonctionne, il faut maintenant choisir de mettre les moyens », résume Claire Spring.
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