SEfFB: Hommage à Roland Villars - 2/2023
L’insoupçonnable poésie des mathématiques
L’ancien recteur du Gymnase français de Bienne Roland Villars s’est éteint subitement au début de cette année. Ce professeur de mathématiques atypique fut aussi un infatigable militant.
« Samedi, il m’avait encore dit : je vais m’en sortir ! » Mais le lendemain matin, dimanche matin 8 janvier, après l’avoir veillé toute la nuit, son épouse, Josiane, et leurs deux enfants, n’avaient pu que constater le décès de Roland dans une chambre de l’Hôpital régional de Bienne.
Roland Villars avait 83 ans. Il fut et restera un monument pour celles et ceux qui l’avaient côtoyé au Gymnase français en tant qu’élève, parent ou enseignant·e. Mais aussi pour beaucoup de militantes et de militants syndicaux. Pour les fans de théâtre qui le croisaient dans les travées des salles de spectacles de Bienne et de la région. Et bien sûr également pour ses camarades du parti socialiste biennois dont il fut un fidèle serviteur.
Il était entré en 1968 au Parti socialiste romand de Bienne. Dans les années 70, il avait accompagné plusieurs crises dont Bienne et son industrie avaient particulièrement souffert et aussi affecté le service public. Il avait siégé au Conseil de ville durant trois législatures, puis au Conseil municipal non permanent durant un an et demi, où il avait remplacé en 1979 Arthur Villard, ancien maire de Bienne et conseiller national, illustre figure de la social-démocratie. Ensuite, Roland Villars avait aussi pris la présidence du PS biennois jusqu’en 1985, mandat durant lequel la défense du monde enseignant ne fut pas la moindre de ses causes.
« La tristesse est partagée, profonde et sincère. Les traits de son visage, le son de sa voix, son regard, son humour et la malice de ses calembours ( ou de ses charades ) reviennent en mémoire », se souvient Béatrice Sermet-Nicolet. L’ancienne directrice du Gymnase des Alpes voisin avait accompagné Roland Villars dans de nombreuses causes. Roland Villars était un grand séducteur, mélange de Sean Connery et de Francis Huster. Un sens de la répartie incomparable et des références littéraires impressionnantes.
Mais comme toutes les personnes joviales, ce Biennois vivant à Frinvillier savait que les personnes dotées d’un fort sens de la dérision cachaient souvent de profondes blessures. D’ailleurs, dans les cours hors-cadre sur l’humour qu’il animait dans les années 80 au Gymnase français de Bienne, ce professeur de mathématiques capable de citer par cœur des tirades d’Alfred Jarry, grand amateur de Raymond Devos et de l’absurde, ne manquait pas de rappeler à ses élèves cette évidence : les clowns sont rarement des gens heureux.
Roland Villars avait l’habitude d’arriver souvent en retard à ses cours de mathématiques en descendant de manière nonchalante de sa belle voiture, une clope au bec. Il claudiquait légèrement avec élégance, un handicap dû à une chute lors d’une course de 110 mètres haies, discipline dont il fut un des grands espoirs suisses dans les années 70. Ce père de deux enfants fut aussi un incroyable passionné de jazz. Sa discothèque débordait de vinyles émouvants.
Roland ne cessait de tenter de convaincre ses élèves, parfois ébahi·es ou dubitatif·ves, que les mathématiques étaient une discipline profondément poétique, Ses tentatives de démonstration étaient parfois basées sur des charades qu’il comparait à de complexes équations.
Sans ce fils de réparateur de vélos qui, enfant, affirmait rêver en suisse allemand, la langue de sa mère, Bienne ne serait pas aussi fière de sa scène théâtrale. Il l’avait d’ailleurs aussi soutenue et fait progresser dans son établissement scolaire. C’est aussi grâce à cet enseignant hors pair et au Conseil de fondation des spectacles français qu’il a longtemps présidé, que le Palace, devenu depuis Nebia, existe. Il mériterait un jour de porter son nom.
« Je me souviens aussi de l’exposé qu’il a présenté le 29 novembre 2018 au Nouveau Musée Bienne, intitulé " La politique est-elle compatible avec les mathématiques ? " ( https://www.youtube.com/ ). L’écouter aujourd’hui est particulièrement émouvant … et impressionnant », poursuit Béatrice Sermet-Nicolet. Dans un mélange savant de citations d’auteurs et de démonstrations mathématiques, il parvenait à convaincre les plus sceptiques que oui: les mathématiques peuvent mener à tout.
Roland Villars était né dans une famille bilingue d’un père romand et d’une mère d’ascendance alémanique. Il n’avait jamais caché son intérêt pour la mécanique, notamment celle des locomotives dont il n’ignorait aucun secret. « Regarder … continuer à regarder » pour aboutir à une démonstration intuitive du théorème de Pythagore, comme il le propose. Un peu magicien, il réussissait à quelques mois de l’examen de maturité, à faire aimer et surtout … comprendre les maths à certain·es de ses élèves les moins assidu·es !
Mohamed Hamdaoui
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