SAEN : Harcèlement scolaire, l’hydre invincible ? - 06/2024
Harcèlement scolaire, l’hydre invincible ?
C’est une forme de violence particulièrement pernicieuse. Elle peut se manifester sous diverses formes, parfois relativement bénignes (regards appuyés, paroles blessantes ou méprisantes, chicaneries faussement drôles…) ou alors avec plus de brutalité, mais toujours de manière cachée, perverse. Sa gravité tient surtout dans la répétition des agressions, qui finissent par déstabiliser la victime, la blesser et, parfois, amener des drames. Les médias s’en font hélas régulièrement l’écho. Elle concerne tout un chacun et, d’ailleurs, de nombreux·ses enseignant·es l’ont vécu de manière personnelle.
Si chacun·e sait plus ou moins de quoi il s’agit, si tous·tes les titulaires de classe y sont régulièrement confronté·es, il est bien plus difficile de saisir l’ampleur de ce phénomène et, surtout, de déceler assez tôt les cas qui nous sont proches. À quel moment les « chicaneries » deviennent-elles harcèlement ? Quand faut-il « tirer la sonnette d’alarme » ? Si les spécialistes estiment que 15-20 % des jeunes en sont victimes, comment peut-on ouvrir le débat et y réfléchir de manière constructive avec l’ensemble de notre classe, sans attiser encore plus l’incendie ?
Bien sûr, il faut informer les élèves. Leur apprendre à parler de leurs problèmes à un·e adulte de confiance. Sensibiliser les camarades pour qu’ils et elles nous parlent de leurs observations et nous assistent pour intervenir assez tôt. Chaque enseignant·e a suivi des cours à ce sujet, en formation initiale ou continue. On nous a par exemple expliqué des outils, comme la méthode Pikas, dite de la « préoccupation partagée ». Mais des signes inquiétants semblent montrer que tout cela ne suffit largement pas. En effet, la société évolue très vite et amène avec elle d’autres formes de violence, numérique en particulier.
Le harcèlement est toujours complexe et souvent systémique. Même avec des formations complémentaires, les enseignant·es ou les directions d’école n’ont pas les compétences ni le temps nécessaire pour gérer seul·es ce genre de situation. Si l’école veut lutter efficacement contre la violence scolaire sous toutes ses formes, nous devrions donc très clairement renforcer nos équipes éducatives en engageant suffisamment d’éducateur·trices formé·es et développer le travail en équipes pédagogico-éducatives. À ce propos, il faut hélas noter qu’actuellement, le personnel éducatif est exclusivement à la charge des communes. Il devient urgent que le canton supervise ces équipes et prenne en charge une partie de leur rémunération, comme cela se fait pour le personnel enseignant.
Sans diaboliser un outil que les adultes utilisent en permanence, il s’agirait aussi d’encadrer très clairement l’utilisation des portables à l’école, avec des règles propres à l’âge des élèves. Cela se fait relativement bien actuellement selon les lieux, mais il manque une ligne de conduite identique dans tous les collèges du canton, garante de cohérence et d’efficacité.
Ces dernières années, le diagnostic des difficultés spécifiques des élèves a énormément progressé. C’est une excellente chose. L’écoute et l’empathie sont ainsi devenues une norme au sein des écoles, même si cela reste souvent un défi. Malheureusement, dans le même temps, on a probablement un peu perdu de vue que l’école doit également désigner clairement les limites à ne pas franchir et se donner les moyens de remettre dans le droit chemin celles et ceux qui les franchissent allègrement, volontairement ou non. Les harceleurs et harceleuses de tout poil profitent de cette faiblesse de l’institution. Nous devons donc réfléchir à de nouveaux outils permettant de recadrer rapidement et de manière efficace les comportements dangereux ou malsains.
Chaque élève et chaque adulte doit se sentir en sécurité, respecté·e et protégé·e, dès qu’il·elle entre dans le périmètre de l’école. C’est une base indispensable au bien-vivre ensemble, sans laquelle la mission éducative et formatrice de l’école ne peut pas être remplie correctement. Réagissons de manière solidaire et concertée contre toute forme de violence scolaire !
Pierre-Alain Porret, président du SAEN
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