Apprendre des savoirs qui ont du sens

Se préparer à enseigner en enquêtant sur le rôle de l'école dans la préparation à la vie des gens? C'est ce qu'ont réalisé dans le cadre de leur formation en sciences de l'éducation douze étudiantes qui livrent dans cet article quelques résultats de leur recherche.

Nous avons choisi d’enquêter sur une question que nous estimons être fondamentale : le lien entre l’expérience scolaire et le sentiment de préparation à la vie. Nous souhaitions découvrir dans quelle mesure l’école prépare efficacement à la vie et à quelle(s) vie(s) en nous demandant ce que les individus jugent important d’être appris à l’école une fois leur parcours scolaire achevé.

Un guide d’entretien a été conçu collectivement pour interroger des participant·es diver·ses. Les questions sur lesquelles nous avons concentré notre attention sont les suivantes : Quelles sont les situations de vie auxquelles l’école vous a le mieux préparé·e ? Au contraire celles auxquelles elle ne vous a pas préparé·e du tout ? Que faudrait-il selon vous savoir et savoir-faire en priorité en sortant de l’école ?

Lors de la mise en commun du matériau collecté, plusieurs aspects récurrents ont été mis en évidence puis classés dans un tableau. Ce tableau nous a permis de comparer les différentes réponses. Nous avons identifié plusieurs types de savoir que nous avons regroupés en deux catégories : le Savoir ( connaissances, compétences, savoir-faire, etc. ), et le Savoir-Être ( comportements, inter-
actions sociales, normes sociétales ). Les Savoirs valorisés étaient « lire, écrire, compter », ainsi que le développement de l’esprit critique, l’entrainement à la réflexion et à l’analyse. Pour le Savoir-Être, il est majoritairement question de respect et de valeurs. Notons que certains savoirs apparaissent transversaux.

Dans nos entretiens, la majorité des personnes sollicitées s’accordent pour décréter que l’école joue principalement bien son rôle dans la préparation au Savoir-Être. En effet, il est souvent souligné que l’école les a confrontées aux différents types d’interactions sociales, que cela soit avec des pair·es ou avec la hiérarchie. Généralement, on témoigne de l’apprentissage de la tolérance, de l'empathie, de la gestion de conflits, ou encore des comportements acceptables ou non en société, des normes et attentes avec lesquelles il faut apprendre à vivre. La conscience de mise en compétition apparait aussi de manière récurrente, mais positive : nous la classons donc également dans les objectifs qu’atteint l’École dans la transmission du Savoir-Être.

Si nos interviewé·es ne font pas référence aux mêmes Savoirs acquis ou manquants dans leur parcours scolaire, sans doute en lien avec leur expérience et leurs besoins quotidiens, ils et elles s’accordent pourtant sur les savoirs fondamentaux : « lire, écrire, compter. » Un objectif sur lequel il semble facile de s’accorder. Cependant au-delà de ce stéréotype, un récit nous a particulièrement interpelé·es. Un homme de 28 ans raconte que lorsqu’il était répétiteur, il accompagnait un garçon de 17 ans qui était alors en apprentissage dans un métier dit « manuel », pour une mise à niveau dans les disciplines élémentaires : « Qu’un garçon de 17 ans, qui a terminé l’école obligatoire, ne sache pas conjuguer le verbe ‘être‘ au présent ( … ) je pense que l’école a quand même une part de responsabilité là-dedans. » Nous nous demandons alors si des personnes comme elles, en difficultés avec – et faute d’avoir acquis ces fondamentaux, ne risquent pas d’être orientées – comme par défaut – vers des formations dites plus « pratiques ». En effet, le système scolaire genevois prépare aussi au secondaire II, et peut-être d’abord. Nous retrouvons l’idée que l’école prépare principalement … à toujours plus d’école : « L’école m’a juste préparé à continuer l’école », dit une des personnes rencontrées, ce qui n’est pas rien, mais potentiellement injuste, voire discriminant.

Soulignons encore les nombreuses réclamations reçues de la part des participant·es quant au manque de préparation à la tâche administrative, et plus particulièrement aux impôts qui, selon elles et eux, pourraient être assignés à l’école, car incontestablement utile : « Les situations auxquelles je n’ai pas été préparée, je dirais que c’est la vie d’adulte ( … ) Trouver sa voie … tout ce qui est administratif, les impôts ou peut-être le fait de trop vite nous lâcher dans un monde où l’on doit se débrouiller seul. »

Finalement une bonne préparation à la vie résiderait dans la compréhension de l’importance des savoirs et leur mobilisation dans la vie de tous les jours. Apprendre des savoirs qui ont du sens dans la vie permettrait de devenir actrices et acteurs de notre monde et de notre avenir. En effet, nous avons pu faire l’expérience directe de la notion de sens du Savoir. Afin de se préparer à bien enseigner, il a été particulièrement intéressant pour nous d’identifier les Savoirs que notre échantillon d’acteurs et d’actrices de la société valorise.

Emma Collet, Ivana Delic, Canelle Feuerstein, A  lexandra Franco, Sandra Gentile, Vanesa Lika, Liza Raschidi, Sarah Lou Rens, Séline Reymond, Aliénor Schneebeli, Nathalie Schwenk, Margot Sarah Vesin (étudiantes en Sciences de l’éducation 2020-2021) & Manuel Perrenoud (formateur)